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l'objet

L'OBJET.

 

 

 

              En refermant la porte du garage, Anne-Marie remarque, dans le flot de lumière blanche du néon, une boîte en carton sous l'établi de Serge. « Encore une paire de chaussures » pense-t-elle…elle trouve qu'il exagère depuis quelques temps. Son culte de la chaussure semble virer à l'obsession.

              Il en possède déjà une cinquantaine de paires : De la pantoufle aux rangers en passant par les tongues, les santiags, les souliers vernis, les baskets, les bottes et bottillons, enfin toute la panoplie. Mais bon ! D'habitude, il les range très vite dans l'armoire, presque une manie et ça la surprend qu'il n'ait pas sacrifié à son rituel. Bof ! Il a dû oublier, la mémoire ne s'arrange pas avec l'âge et si ce n'est que ça….

              Elle se penche pour prendre la boîte, se promettant de le titiller un peu sur son manquement, lui qui ne supporte pas le désordre.

              D'un coup son attention se fait plus vive, concentrée sur le carton  d'une blancheur uniforme, sans aucune inscription. Bizarre, il s'ouvre sur le côté. Pas très courant pour des chaussures.

              Au poids, il y a bien quelque choseàl'intérieur. Intriguée, elle décide de jeter un coup d'œil , tire le couvercle et enfonce sa main pour se saisir de l'objet qui s'y cache, recouvert d'un papier qu'elle froisse avant de toucher ce qui lui semble être une ceinture qu'elle happe et sort de son étui.

              C'est bien une ceinture mais pas seulement puisqu'une réplique conforme d'un sexe mâle y est accrochée. Anne-Marie, stupéfaite, fixa la « chose » avec répulsion. Des pensées confuses s'entremêlent dans son esprit. Elle ne comprend pas. Elle ne veut pas comprendre. Elle se refuse à admettre l'évidence. Puis ses yeux s'humectent peu à peu. Les larmes coulent sur ses joues. Elle reste immobile un long moment, le regard dans le vague, la ceinture pendue à son bras, le fac-similé de phallus effleurant le sol.

                Elle s'extrait difficilement de sa torpeur malsaine et essaie d'évacuer sa tristesse. Serge l'aime. Serge l'adore. Mais Serge ne peut plus l'aimer ni l'adorer comme elle aurait aimé, depuis six mois.

                Depuis l'ablation de sa vessie. Cancer de la prostate. Une engeance qu'elle a juré de surmonter. Le bonheur pouvant se passer de sexe. Apparemment, il n'y croit pas, tout autant qu'elle.

                Il lui offre cet ersatz, tentant de préserver une passion qui se délite….



28/12/2010
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